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Presseartikel: “Des moments privilégiés aux Fêtes musicales” (La Liberté, 8.11.2016)

“La Liberté”, 08.11.2016

LISE-MARIE PILLER

Critique/Broye-Vully » Avec une nouvelle œuvre en création, il y a la fébrilité d’assister à un bout, même modeste, d’histoire musicale qui s’écrit. Non pas que l’écriture de Michel Rosset se situe dans l’avant-garde, mais l’inédit des sonorités rend le moment tout de même privilégié. C’est ce qu’ont offert dimanche après midi les Fêtes musicales de Bulle à leur public réuni à la chapelle Notre-Dame de Compassion, écrin idéal pour la musique de chambre. La disposition déjà est originale: une voix de baryton et un violoncelle (connu lui aussi pour «chanter»), des percussions (métallophone et marimba entre autres) et un piano. Entre ces deux «paires» d’instruments, le compositeur cultive des parentés sonores, crée des échos.

Il a défini son œuvre en sous-titre comme une «fantaisie»: forme légère et libre s’il en est. Pour la structurer: des poèmes du Fribourgeois Frédéric Wandelère. En préambule du concert, Michel Rosset décrit les textes qu’il a choisis et mis en forme comme «schubertiens»; mais le style musical de cette Ombre dans le vent n’est lyrique que dans certains passages. L’œuvre est surtout marquée par des rythmes très irréguliers, à la limite parfois du jazz, malgré une structure très tenue (trois parties dans chacun des quatre mouvements, un passage parlé à la fin de chaque mouvement).

Le «Wanderer» de Michel Rosset (dans le premier mouvement à l’enseigne du Pèlerin) fait des pauses, dans des moments où le temps se suspend, créant une atmosphère étrange, mystérieuse. Les quatre voix – Annick Richard (percussions), Riccardo Bovino (piano), Jean-Luc Waeber (baryton), Sebastian Diezig (violoncelle) – sont traitées de manière équivalente, loin du modèle soliste avec accompagnement. La voix se marie au violoncelle. Les instruments percussifs, y compris le piano, tirent le violoncelle vers les pizzicati. La musique sautille, jusqu’à cet Orage intérieur, plus suggéré que décrit.

L’écriture est subtile: l’inquiétude du deuxième mouvement tient dans les gammes descendantes, les frottements harmoniques, les glissandi du violoncelle, les rythmes irréguliers, mais les effets sont fins, comme des pointillés sur un tableau. Le mouvement de l’hiver a un caractère évanescent, virevoltant (les flocons de neige?), parfois fantastique. L’ambiance n’est pas à la tristesse, le marimba finit d’ailleurs sur une gamme ascendante. La tension est plutôt marquée quand les quatre voix jouent ensemble.

On retrouve dans le dernier mouvement, fidèlement à la notion du «cycle» des saisons, le caractère sautillant du début de l’œuvre, après un passage intense et lyrique entre la voix et le violoncelle. Pas de gros accord final en apothéose, juste une note au piano (qui avait ouvert l’œuvre), pour lâcher la bride, laisser la musique résonner encore en soi et donner envie d’y revenir.

Le bonheur d’écoute se poursuit en deuxième partie de concert, avec une magnifique version d’un «classique» du répertoire schubertien: la Sonate argeggione. Sebastian Diezig, avec le pianiste Riccardo Bovino, fait chanter son violoncelle de manière très viennoise, très dansante. Il joue par cœur, dansant dans la lumière et l’ombre, dans une légèreté et une inquiétude toutes romantiques. La partition est virtuose, elle pousse l’instrument à ses limites; il craque, pleure, passant par toute la gamme des émotions. C’est une musique qui sonne de manière très proche, très intime.

Et malgré la récurrence des thèmes, il y a là une manière de déjouer les attentes, de renouveler le discours, avec des modulations harmoniques, des changements de rythmes, des nouveaux thèmes, qui rendent ce «tube» absolument enthousiasmant. ELISABETH HAAS

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